Dans le parcours du chercheur, publier un article scientifique n’est pas
un simple exercice. C’est en quelque sorte la clé qui ouvre les portes de la reconnaissance, de la carrière, et de l’insertion dans les réseaux internationaux. Pourtant, pour de nombreux jeunes chercheurs béninois, la publication demeure un défi de taille. D’ailleurs, comme l’a rappelé un rapport de l’UNESCO en 2021, l’Afrique subsaharienne produit moins de 2 % des publications scientifiques mondiales
. Il semble donc que cet écart n’est pas lié à l’absence de talents, mais plutôt à l’absence de conditions favorables.
🔹 Des obstacles structurels
Le premier obstacle est celui de l’accès aux ressources. Dans un monde où la recherche avance sous un rythme dynamique et effréné, de nombreuses bases de données scientifiques restent excessivement payantes, et donc inaccessibles. Les bibliothèques universitaires locales, bien qu’essentielles, sont insuffisamment dotées et les jeunes chercheurs travaillent souvent avec
des ressources limitées. Un jeune doctorant en sciences sociales à l’UAC nous confiait récemment : « Pour travailler sur mon sujet, je dois régulièrement demander à mes collègues de l’étranger de m’envoyer des articles en PDF, car je n’ai pas accès aux bases de données depuis mon campus ». À cela peut s’ajouter un encadrement parfois fragile. Les directeurs de recherche sont régulièrement surchargés, et le manque de programmes structurés de
formation scientifique accentue l’isolement des jeunes chercheurs. Enfin, le contexte institutionnel ne favorise pas toujours la production scientifique : financement insuffisant, rareté des revues locales indexées, absence de structures éditoriales solides etc.
🔹 Des obstacles individuels
Au-delà des contraintes structurelles, il existe aussi des défis personnels. Beaucoup de jeunes chercheurs n’ont jamais été formés spécifiquement à l’écriture scientifique. Pourtant, rédiger un article de ce type, et selon les normes internationales, requiert des compétences particulières. S’ajoute à cela la barrière linguistique. Publier en anglais académique représente
un effort considérable souvent hors de portée. Même si des solutions palliatives existent (Ex. copy editing), leur accessibilité n’est pas forcément offerte. Nombreux sont également ceux qui souffrent d’un sentiment d’isolement, sans réseau de co-auteurs ou de mentors pouvant relire,
corriger et encourager les différents travaux de recherche.
🔹 Des obstacles financiers
À ces difficultés s’ajoute un facteur souvent négligé : le coût des publications. Les grandes revues internationales, souvent en accès libre, imposent des frais de traitement d’articles (Article Processing Charges APC) qui peuvent varier entre 1 500 et 3 000 € en moyenne. Une somme inaccessible pour la plupart des jeunes chercheurs béninois, dont les allocations de recherche sont souvent inférieures à ce montant sur toute une année. A l’opposé, les revues
locales, souvent moins coûteuses, souffrent de manque de visibilité et ne sont pas indexées dans les grandes bases de données. En effet, les chercheurs se retrouvent pris entre deux écueils : publier localement mais rester invisibles, ou viser l’international avec la science ouverte mais faire face à des barrières financières et linguistiques.
🔹 Des leviers d’action possibles
Face à ces défis, plusieurs pistes concrètes sont encore envisageables et peuvent donner espoir :
- Former de manière intensive : multiplier les ateliers méthodologiques ciblés sur l’écriture académique, la transformation d’un mémoire en article, le ciblage des revues scientifiques etc.
- Ouvrir l’accès : encourager l’utilisation des plateformes de diffusion en accès libre (HAL, ResearchGate etc.), qui permettent de contourner partiellement la barrière des abonnements.
- Créer des réseaux : stimuler les co-publications, jumeler un chercheur de la diaspora avec un collègue au Bénin pour écrire ensemble.
- Accompagner : mettre en place des systèmes de mentorat scientifique pour relire, conseiller, encourager et valoriser.
Et CECEB-France dans tout cela ?
Conscients de ces enjeux, nous avons la conviction que la diaspora scientifique peut jouer un rôle clé dans le soutien aux jeunes chercheurs béninois. CECEB-France ne se limite donc pas à dresser des constats. Notre objectif est de créer des passerelles, de partager nos expériences
et d’ouvrir des espaces de collaboration entre chercheurs de la diaspora et du Bénin. C’est pourquoi nos premières discussions sont orientées dans ce sens de manière à permettre de définir ensemble les initiatives prioritaires. Une chose est sûre : nous voulons contribuer à lever les barrières qui freinent la publication scientifique, en mobilisant ce que la diaspora sait offrir
— de la fraternité, des réseaux, et de l’expérience pratique.
Publier n’est pas seulement un acte individuel. C’est aussi contribuer à la visibilité scientifique d’un pays. Sans publications, les recherches menées au Bénin restent invisibles dans le concert mondial. Inversement, en renforçant les capacités des jeunes chercheurs à publier, c’est toute la communauté scientifique qu’elle soit béninoise ou internationale qui gagne en crédibilité et en rayonnement. Le défi reste grand, mais il n’est pas insurmontable. CECEB-France s’engage à prendre sa part, en mobilisant l’expérience et l’expertise de la diaspora pour que, demain, chaque jeune chercheur béninois puisse transformer ses travaux en contributions reconnues à l’échelle internationale.
Tribune rédigée par CECEB-France (Cercle des Enseignants-
Chercheurs et Experts Béninois de France).
